Lors des dernières décennies, la puissance des sciences mathématiques, l’accès à une grande quantité de données propres aux métiers de l’assurance et le développement de nouveaux algorithmes ont ouvert les champs du possible en termes d’utilisation de l’Intelligence artificielle (IA) dans le secteur de l’assurance. Passage en revue des principales applications avec Françoise Mari, Directrice lignes financières chez Liberty Specialty Markets France. 

Question : Quelles sont les premières applications de l’IA pour les métiers de l’assurance ? 

Très concrètement, l’IA permet aux assureurs de renforcer et d'organiser leurs connaissances en se basant sur de la donnée fiable, intègre et de leur donner un sens ; l’IA devient à ce titre un outil de prédiction et de prévention des risques. C’est également une aide à la prise de décision rapide. Cette meilleure appréhension des risques a pour corollaire l’innovation produit, comme   les assurances paramétriques, ou de rendre certains risques émergents, tels que le cyber, assurables.

Elle est aussi source d’une meilleure efficacité opérationnelle et de rentabilité : selon une étude McKinsey 2023*, en utilisant l’IA, les assureurs obtiendront des gains importants en matière de services et d’opérations. Elle ajouterait jusqu'à 1,1 billion de dollars en valeur annuelle pour le secteur mondial de l'assurance dont environ 400 milliards de dollars pourraient provenir des mises à niveau technologiques en matière de souscription et 300 milliards de dollars dédiés au service client et aux offres personnalisées.

Enfin, elle aide à répondre à des problématiques règlementaires croissantes notamment en respectant les processus KYC, en renforçant la qualité de gestion des réclamations clients, le suivi des risques d’embargo et de sanctions internationales. Pour rappel, le non-respect de ces procédures représente un risque économique (cf. les 5 sanctions prononcées sur le sujet par l’ACPR à fin 2023) ** et/ou de réputation majeure pour les assureurs.

Question : Les assurés sont-ils déjà également impactés ? 

Elle est effectivement source d’opportunités pour les assurés car elle contribue à réinventer l’expérience client au niveau tant de la commercialisation des produits (souscription digitale, le principe de conseiller augmenté, les chatbots…), que du suivi des risques et de leurs accompagnements par les assureurs. Par exemple pour l’assurance auto, nous voyons la naissance du concept « pay how you drive » grâce à l’installation de capteurs IoT sur les voitures fournissant des informations sur le comportement des automobilistes et permettant d’adapter la prime d’assurance. La gestion des sinistres est également optimisée et les développements récents menés par les Insurtech portent sur l’instantanéité du paiement des sinistres. 

Question : Quels sont les prochains défis pour les assureurs dans l’application de l’IA ?

La question n’est plus de savoir si l’IA est une source de transformation, de croissance, de compétition et de progrès pour les assureurs mais plutôt qu’elle ne soit pas source de défiance et d’interrogation notamment sur son éthique. L’IA est clairement identifiée comme un élément de progrès par le grand public. Les assureurs doivent s’assurer que l’utilisation de l’IA respecte les principes de transparence, de traçabilité, de justice, de respect de la vie privée. Son utilisation ne doit pas renforcer les inégalités ou les discriminations.

La loi IA en cours de discussion au niveau des instances européennes a pour vocation de répondre à ces différents questionnements et maintenir la confiance des européens dans son utilisation.

 

* McKinsey : le potentiel économique de l’IA générative – 14 juin 2023 

** acpr.banque-france.fr

Cet article est paru dans le numéro 39 d'Atout risk manager